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Promenades dans les expositions parisiennes

mes visites dans les expositions de Paris (et d'ailleurs)

Jules Adler au Musée d’art et d’histoire du judaïsme

Le musée d’art et d’histoire du judaïsme propose une redécouverte d’un peintre méconnu, bien qu’il ait eu un grand succès sous la troisième République. Jules Adler (1865-1952), né en Franche-Comté en 1865, a vu son talent de dessinateur détecté par ses enseignants dans la logique de la méritocratie républicaine, alors qu’il était issu d’une famille très modeste. Il a ainsi pu poursuivre des études de dessin, et a fini par entrer à l’école des Beaux-Arts.

Sa technique picturale reste classique, dans le prolongement de Courbet ou de l’école de Barbizon, totalement coupée des avant-gardes qui vont se multiplier pendant toute sa vie d’adulte : les tableaux montrent néanmoins un travail souvent intéressant sur la couleur ou la lumière, et on voit des expérimentations variées dans le traitement pictural de la touche et du fini des tableaux. On voit, dans ses carnets de croquis ou de notes, où il relève des motifs qu’il utilisera ensuite dans ses tableaux, à quel point les couleurs sont tout à fait essentielles dans la façon dont il voit ce qui l’entoure…

L’exposition met particulièrement l’accent sur le choix des sujets de Jules Adler : « le peintre des humbles », « le peintre du peuple », concentre son attention sur les travailleurs de cette fin de XIXe siècle, en particulier dans cette ville de Paris qui avale les forces vives du pays. Ouvriers, vagabonds, femmes de pêcheurs, petits métiers de la ville, Adler les représente avec tendresse et pudeur, sans pathos mais sans atténuer la souffrance. S’il montre souvent des personnages de dos, ou s’il montre les personnes qui voient le drame sans montrer le drame lui-même, il revendique ce naturalisme, et il est lui-même proche de Zola (il représente à plusieurs reprises des scènes de ses romans, ou du moins il cite ces scènes dans les commentaires qu’il faut de ses tableaux). La représentation du travail chez Adler, en ces temps d’industrialisation triomphante, ne vise pas la glorification des machines, mais s’intéresse au corps des ouvriers, sans l’idéaliser. Par certains aspects, ces corps de travailleurs m’ont aussi fait penser aux paysans de Millet. En même temps, au-delà de cette description dramatique, Adler est aussi un soutien des mouvements sociaux : son tableau le plus célèbre, « la grève au Creusot » représente le défilé des ouvriers de Schneider après avoir obtenu une reconnaissance de leurs droits syndicaux ; tel un tableau d’histoire, il se prête à une lecture des différents symboles, quasiment allégorique...

Si Adler , juif non observant, est un exemple caractéristique de ces juifs totalement intégrés, soutiens de la République qui les a émancipés, il est présent dans les débats de son temps, à commencer par l’affaire Dreyfus, dans laquelle il sera très impliqué ; il aura également quelques liens avec le mouvement sioniste naissant, laissant publier ses travaux dans des revues sionistes ou donnant ponctuellement une œuvre au profit de cette cause. Dans ce contexte, alors qu’il avait occupé des fonction très honorifiques dans le milieu artistique, membre du comité d’honneur du Salon d’Automne, il a été totalement incompréhensible pour lui de devoir subir le statut des juifs pendant la deuxième guerre mondiale, alors qu’il était déjà âgé, et plus encore d’être arrêté et interné en 1944.

Une personnalité attachante, un peintre intéressant, à découvrir !

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